jeudi 15 août 2013

Si un jour rien ne va plus, tu diras à ce peuple de sortir du charbon et de brûler ses haillons
Cher Monsieur,
Avant, on me disait qu’un jour comme aujourd’hui, le soleil luisait sur ma terre. On me disait que le nom de mon pays était inscrit sur les chapiteaux des salons qui accueillaient les pionniers de la lutte pour le respect des droits de l’individu et pour l’avènement d’une autre civilisation. Avant, sur ma terre retentissait un hymne de liberté et l’écho des voix de mes frères frappaient les rochers des montagnes si fort qu’ils s’écroulèrent. Haïti regorgeait alors d’hommes sans histoires mais aussi vaillants dans les jours amers que dans les nuits étoilées. Alors, nos pères ont bâti cette nation et nous l’ont laissée en héritage. Mais, derrière eux se cachait une souche de virus de misère. Et les autres nations sont venues. Elles nous ont appelés berceau de la liberté. Elles nous ont vénérés comme un grec vénère Zeus au pied de l’Olympe. Mais, elles nous ont regardés aussi nous battre pour le petit pouvoir de décider. Je dis petit parce qu’aux grands hommes les grands pouvoirs. Ceux de chez nous, je ne les trouve pas grands. Avant tout, les grands hommes président les grandes nations. Tu me pardonneras si nos idées divergent sur ce point. Je ne te mentirai pas. Tu le sais bien que moi, je n’ai jamais été excellent dans l’art de mentir quoique j’aie beau essayé. Toutefois, si je me suis souvent trompé, je ne douterai pas que les raisons pour lesquelles nos hommes ont agi ainsi, c’est parce qu’ils ont toujours voulu enlever les pieds de ce peuple sur cette terre pour laquelle nos ancêtres ont tant combattu. Cher Monsieur, Sais-tu de qui je parle? Tu le sais très bien. Je n’ai pas à les nommer, car j’ai bien honte que l’encre de ma plume vomisse des noms si minables. Ces immondices! Ces hommes, qui ne cessent de tuer la liberté, si chère à nous, acquise au prix de notre sang. Ils ont torturé ce peuple et ont fait de chaque jour un fardeau sur sa tête. Et rien ne pourra le réparer, tout le mal qui a été fait. Rien ! Tu m’écoutes ? Je dis rien ! Même ta poésie, ta corvée ou ton sang. Excuse-moi d’être si pessimiste, mon cher. Il m’arrive bien souvent d’oublier que je suis de ce peuple qui cherche toujours une voie, autant au milieu de l’obscurité qu’au beau mitan du jour. J’avoue que dans tous mes voyages, et dans tous les Capitales du monde, je n’ai jamais vu un peuple si vaillant et si persévérant dans la douleur. Tes hommes, les hommes de ton pays, ils sont les seuls qui, quand tous les peuples du monde sanglotent, renouent leur pacte d’amitié avec l’espoir. Oui ! Nous habitons la Douleur. Pourtant, mille fois sous leurs yeux, les vautours piaillaient. Ils les acclamaient. Oui, clameur d’innocence. J’ai compris en voyant cela que mes yeux constataient l’ignorance de toute une lignée d’humains. L’héritage devient une dette que nous payons de porte en porte. Et j’ai entendu d’autres se plaindre d’une dette que nos jeunes générations auront à payer et des pays étendus sur les grabats, giclant et vomissant du sang quand le traître les frappe à coup de massue sur le dos. Vomissures puantes. Inerties de chiens. Ainsi est venu le temps d’asservir de nouveau l’homme haïtien. Asservis par les siens et par les autres. Et les jours font de nous un peuple appauvri, un peuple affamé qui se satisfait du rien oubliant que le rien, il l’avait déjà. Cher Monsieur, Nous vivons le temps où la désolation atteint son paroxysme. Ce qui m’effraie, c’est que jusqu’à présent, nous n’avons pas encore pris conscience de l’urgence que nécessite notre situation. Les larmes suivent des larmes comme la douleur se succède à sa douleur. Des années viendront et nous excelleront encore plus dans les propagandes que dans les faits. Si un jour rien ne va plus, tu diras à ce peuple de sortir du charbon et de brûler ses haillons. Ils quitteront ainsi ce monde sans avoir à se souvenir des calamités. Un gramme de cendre, une goutte de sang mélangé d’huile, des petits sanglots qui s’éloignent au fond de la nuit, ainsi renaîtra, un jour ou jamais, ce peuple de Gloire et d’Espoir.
Jeiel Onel Jr Mézil
Chroniqueur et blogueur

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